Projet 2023 – Migration / culture alimentaire / art

Présentation

L’alimentation des humains est régie par les situations géographiques et politiques, les conditions sanitaires, les écosystèmes et les normes économiques et sociales, culturelles et religieuses. Elle rassemble des pratiques intériorisées, subies ou revendiquées. Elles sont le miroir de l’histoire d’un peuple, des étapes de son développement, des influences subies. Elle présente ses croyances, ses valeurs, ses tabous, sa mémoire.

Dans notre monde globalisé du XXIe siècle où coexistent l’abondance et la carence, les comportements alimentaires constituent des marqueurs d’appartenance. Ils permettent de suivre les cheminements, les pratiques des groupes avec leurs survivances, leurs évolutions, leurs recréations, voire leurs inventions.

La préparation et la consommation des aliments révèlent notamment des phénomènes culturels et sociaux propres aux communautés et qui peuvent agir comme facteur discriminant entre les groupes qui la composent. En tant que forme d’expression culturelle, la nourriture joue un rôle important dans la formation et dans la défense des identités individuelles et collectives. Elle met en avant différentes logiques :

  • logiques sociales (banques alimentaires, relais popotes, camion-cuisines… support de convivialité),

  • logiques numéraires (créations d’applications mobiles permettant aux commerçants et restaurateurs de revendre à moindre prix un produit qui n’a pas été vendu),

  • logiques de la mobilité (le repas donne à voir les ruptures et les transferts induits par la mobilité),

  • logiques d’espace (assis/debout, dedans/dehors, fourchette à gauche, cercle, hommes et femmes séparés…),

  • logiques d’adaptation (de transformation culturelle, d’éducation du goût, de changement des pratiques, de communication interculturelle, du « bien manger »),

  • logiques mémorielles (la nourriture comme support de transmission, question du modèle/de la modélisation d’où viennent les modèles : adultes migrants, enfants migrants moins modélisés par leurs parents)

[Food = ce qui circule sans papiers – circulation reconnue]

Le projet de recherche MIGRACT a choisi de se concentrer sur le rapport à la nourriture pour mieux comprendre les personnes en situation de mobilité (choisie ou forcée) et essayer de mieux les accueillir en leur offrant des espaces de reconnaissance et d’échange.

Le protocole mis en place a été conçu pour fonctionner dans différents contextes éducatifs : formels (école, collège) et informels (associations) et se développent sur trois axes :

  • des ateliers menés par des artistes migrants

  • des pratiques de langage (FLE ou FLM)

  • des thématiques spécifiques : l’alimentation / les objets fétiches / la géographie (les cours d’eau…), etc.

Il s’agit de permettre aux acteurs de s’identifier les uns par rapport aux autres en reconnaissant leurs spécificités culturelles. Ce projet basé sur l’écoute et les interactions permet d’enseigner un « nous » en faisant la part des proximités et des écarts.

Un ensemble de données sont ainsi recueillies sur les identités culturelles des populations migrantes – primo-arrivantes ou de deuxième/troisième génération – et sur la façon dont elles construisent une nouvelle identité en s’associant, s’opposant, s’exprimant sur ses habitudes et ses chocs culturels.

Nous faisons l’hypothèse que cette approche de soi permet aux migrants de conscientiser leurs cultures ethniques et familiales, même à l’état de trace. Et nous pensons que cette approche mémorielle de l’appartenance est susceptible de contrer les raidissements identitaires liés à la peur de se perdre.

En effet, il est plus facile d’accepter les différences lorsqu’on a la certitude de pouvoir garder un peu de ce qui nous constitue.

Ceci vaut pour les migrants et les sociétés d’accueil.

Ce projet aborde la nourriture en s’appuyant sur les pratiques artistiques (dessin, peinture, photographie… poésie) sachant que ces pratiques ont l’ambition de décrire le monde, les êtres humains et les sociétés. De les rendre intelligibles, mais également de les provoquer, de les interroger, de les réinventer, voire de les transformer. Les pratiques artistiques sont ici appréhendées comme une méthode

Mobilisant et mettant au travail les mots, les images, les matières, les corps, l’espace, elles ont, pour une part au moins, une vocation à la fois critique et émancipatrice (Lachaud, 2012). En « ouvrant à la compréhension des rapports entre des connaissances sensibles et les savoirs rationnels » (Ward, 2014), l’art « constitue un levier d’empowerment » (ibid.), à la fois pouvoir sur soi et pouvoir d’agir (Agnès Vandevelde-Rougale et John Cultiaux)

L’objectif du projet est double : penser l’acte de création des artistes qui s’approprient certaines thèses des sciences humaines et sociales pour les mettre en scène, en textes ou en images. Mais aussi voir comment des chercheurs et intervenants en SHS peuvent s’appuyer sur le monde de l’art pour nourrir ou repenser leurs propres pratiques de recherche et d’intervention.

Des différences essentielles entre art et sciences naît une tension : la rencontre […] celle-ci gagne à être rejouée, tant dans ses modalités que dans la distribution des rôles du scientifique et de l’artiste qui s’accordent et dialoguent. (Patrice de La Broise et Pierre Morelli 2022),

Nous faisons l’hypothèse que le croisement de l’art et de la recherche en SHS fait émerger des espaces-temps propices à l’élaboration d’une critique, au soutien d’une posture réflexive ou à un projet d’émancipation. Les analyses portent sur la façon dont les concepts et les pratiques scientifiques et artistiques dialoguent, se mettent en question, se soutiennent, se transforment, dans une perspective associant création, compréhension et/ou d’intervention.

Nous pensons aussi que ces analyses permettent aussi d’identifier, très concrètement, à travers la pratique, les positionnements identitaires de groupes dans un contexte donné (pour le projet MIGRACT) comme étant d’origine étrangère.

Les résultats mettront en avant les limites du dialogue entre arts et sciences humaines en termes :

  • Temporels et spatiaux : quels lieux et temporalités favorisent les transformations individuelles ou groupales ?

  • Conceptuels : comment présenter une méthode à la croisée du sensible et des savoirs – est-ce le propre de la recherche création ?

  • Réflexifs et critiques : quelles retombées sur les artistes et le public ?

 
 

Références

  • La Broise (de) Patrice, Morelli Pierre (2022), « Repenser la médiation au prisme de l’art et des sciences sociales », Questions de communication, n°41, octobre, pp. 341-348.

  • Lachaud Jean-Marc (dir.) (2012), Art et aliénation, Paris, PUF, pp. 129-161. Lecourt Édith, Schauder Silke (dir.) (2017), Les art-thérapies, Paris, Armand Colin.

  • Vandevelde-Rougale Agnès et Cultiaux John,  Apports conceptuels et méthodologiques des entrecroisements entre productions artistiques et sciences humaines et sociales, AAC n°37 – Apports conceptuels et méthodologiques des entrecroisements entre productions artistiques et SHS

  • Ward John (2014), « Introduction. Question sociale, questions artistiques », Vie sociale, n° 5. Pratiques artistiques et intervention sociale, mai, pp. 7-10.

   

Migration et alimentation

 

2022-23 : de la plante au plat

Entrée narrative basée sur le « manger », la survie et le contrôle que les migrants essaient de garder sur leur corps. Prise en compte du fait que la nourriture est un objet culturel qui caractérise de nombreuses communautés.

Objectifs : atteindreces trois finalités examinées lors du colloque Les voies du récit / Pratiques biographiques en formation, intervention et recherche de 2018 (Tours) :

Intervenants

  • Dandrine Noé – référente de la classe mosaïque du Château des Vaux, Fondation des Apprentis d’Auteuil
  • Marie Carmen Becerra et Bruno Berthol – enseignants des classes de cours préparatoire de l’école Denis Diderot (Orléans-La Source)
  • Carmel Modaffai-Mitifiot – formatrice en charge du groupe d’apprenants (niveau B1) du cours de français langue étrangère de l’association Olivet Solidarité.
  • Claire Colombiel-Tuira – linguiste (université d’Orléans)
  • Philippe Bourdier – recherches narratives (université d’Orléans)

Partenariat

Iehca (institut européen d’histoire des cultures de l’alimentation – https://villa-rabelais.fr/)

Reseau interdisciplinaire international « recherche avec »

ÉRCAE (Équipe de Recherche Contextes et Acteurs de l’Éducation (EA7493)

Nous vivons dans un monde façonné par la nourriture. Nos corps et nos esprits en sont faits. Nos routines quotidiennes sont structurées autour de lui. Nos villes et nos paysages en ont été façonnés. Notre politique et notre économie en dépendent. Notre empreinte écologique en est déterminée. Notre sentiment d’identité en est inséparable. Notre survie en dépend.

Agent le plus puissant qui façonne nos vies et notre monde, la nourriture est un moyen idéal pour aborder les plus grandes questions auxquelles nous sommes confrontés.

La nourriture a donc été choisie comme fil directeur du projet de recherche en milieu éducatif avec des migrants.

Les ressources et des outils développés seront mutualisés pour encourager les recherches participatives, la formation continue des enseignants, mais aussi et surtout, l’inclusion des jeunes en situation de migration. Le projet insiste sur l’importance de la méthode et invite les acteurs à partager une nouvelle « culture scientifique ». Il met en avant trois leviers pour favoriser la recherche expérimentale en éducation :

  • la « méthode » avec l’art pour améliorer un système éducatif 
  • la « culture » alimentaire
  • le « partage » des expériences

Équipe

  • Artiste : Diala Brisly – (BBC documentary)
  • Enseignants : M. C. Becerra, b. Berthol (CP. Ecole Denis Diderot), Tiphanie Hoareau (UPE2A – collège Jean Rostand), S. Noé (MNA – Château des Vaux, La Loupe)
  • Associatifs : Carmel Modaffari-Mitifiot (adultes – Olivet Solidarité), Wissam Buron (ASLA)
  • Chercheurs : G. Guetemme (arts plastiques – UO), P. Bourdier (litterature – UO), C. Colombel-Tuira (sciences du langage – UO), Guillaume Etienne (anthropologie – UT)
  • Migrants : Collège J. Rostand – Orléans (UPE2A) / Olivet solidarité (adultes) / Ecole D. Diderot – La Source (enfants de CP) / La Loupe (MNA)
  • Florian Asseré (laboratoire ERCAE- UO / projet AMI-Emergence)
  • Emilie Salvat (sociologue) / Laure Descloux (psychologue)

Calendrier général

  • Rencontre de coordination 1 (21 sept. 2022)
  • Ateliers 1 (28 novembre – 2 dec. 2022 ) : pratique plastique « portraits alimentaires » en lien avec des recettes familiales/ questionnement des jeunes sur leurs cultures, leurs goûts et leur alimentation / expérimentations à partir des plantes / collecte de données (photos, captures sonores…) / travail de langage (oral et écrit en français et CLIL)
  • Rencontre de coordination 2  (30 nov. 2022)
  • bilan intermédiaire (17 janvier 2023)
  • Ateliers 2 (23 – 27 janvier 2023) : Pratique plastique – introduction de la notion de « recette d’intégration »/ travail de langage / collectes de  données en lien avec les collectes de l’atelier 1 / approfondissement et analyse avec l’artiste des questions d’alimentation et de cultures. Production de récits.
  • Rencontre de coordination 2 (fevrier – Orléans)
  • conférence du réseau « recherche avec » (https://rechercheavec.com/ du 2 au 5 mai 2023 à l’Iehca – Tours)
  • visite au parc floral d’Orléans La Source
  • Journée internationale des réfugiés : 20 juin – école Denis Diderot (Orleans-La Source) rencontre avec les familles et performance culinaire de l’artiste : « raclette d’intégration »
  • synthèse (2023-24) Proposition de l’artiste en lien avec tout le matériel collecté et les expérimentations – livret, galerie virtuelle

Savoirs :

Productions prévues

  • Rédaction de fiches pédagogiques à l’usage des formateurs, enseignants, éducateurs, bénévoles et tous les partenaires du projet
  • Proposition d’une action de formation au plan académique de formation (PAF) sur pratique artistique et accueil des migrants en milieu scolaire
  • Publications d’articles de recherche et communications scientifiques issus des analyses du projet mené.

Diffusion-valorisation

  •  site Migract
  • 20 juin 2023 : journée mondiale des réfugiés :
    • buffets dégustation : « raclette d’intégration »
    • émission de radio Campus (Orléans) / Méridienne (Tours)
    • ateliers avec l’artiste
    • Exposition / film
  • Lien avec les associations partenaires du projet MIGRACT (ASLA, Asti, Appel égalité…)

Liens avec le Château des Vaux (La Loupe – Projet « jardin » – Enseignante référente : Sandrine Noé)

  • Déplacements sur Orléans : parc floral – 20 juin 2023
  • Podcasts / Visios
  • Partage de photos sur Instagram
  • Emission de radio (avec Radio campus)

Recueil de données – entretien narratifs (Philippe Bourdier)

entretiens individuels, selon la disponibilité des participants dans un lieu calme, en essayant de respecter une parité masculin/féminin. Durée de l’entretien indéterminée (court avecles élèves et plus long avec les adultes)

Les entretiens ne seront pas filmés, mais seulement enregistrés, si la personne l’accepte. Ces entretiens auront pour finalité de permettre l’expression sensible de l’importance subjective de la cuisine dans le parcours comme la reconnaissance d’individus migrants en France.

Ils feront l’objet ensuite d’analyses qualitatives à partir de transcriptions.

Olivet solidarité (adultes) : lundi 5/12 matin et après-midi : sous la forme d’une permanence dans un lieu calme pour des entretiens individuels. De 1 à 6 personnes, en essayant de respecter une parité masculin/féminin. Durée de l’entretien indéterminée.