Mots clés : migration, récit, culture, multilinguisme, inclusion.
MIGRATEXT est un projet de recherche « d’initiative académique » qui se positionne sur une thématique scientifique d’avenir (visée prospective) en lien avec la prise en charge des populations migrantes en Région Centre. Il prend acte de la grande diversité démographique du campus et du quartier de Orléans-La Source. Il souhaite interroger les questions de culture proposées et étudiées au sein de l’Université et les liens de la recherche avec la société. Ce projet aborde les récits de migration comme mode d’accès à la culture et aux langues de l’autre. Notre réflexion porte sur la convergence des représentations artistiques et des pratiques inclusives dans le cadre d’une étude interdisciplinaire réunissant différents acteurs de la société civile et des chercheurs de plusieurs disciplines (sciences de l’éducation et de la formation, arts plastiques, littérature, langues et arts du spectacle) œuvrant sur différents terrains de recherche (théorique, culturel, scolaire, éducatif, associatif). L’analyse collective des supports artistiques et leur utilisation dans le cadre d’une recherche-action, coconstruite avec les acteurs de terrain et des artistes, proposera des pistes pour relever le défi contemporain de l’inclusion. Objectifs et enjeux Une fois le corpus établi, nous présenterons des récits artistiques à des migrants (enfants, adolescents, jeunes adultes (étudiants) et adultes) et faisons l’hypothèse que les œuvres génèreront de nouveaux récits qui nous renseigneront sur les aspirations, les représentations et les savoirs de ceux qui arrivent dans la région. Ce protocole permettra de dépasser leur silence (Corbin, 2018). Il passera en revue l’évolution des rapports entre les publics, proposera une histoire des migrations récentes en Région-Centre et conduira à prendre conscience de l’importance de cette histoire. Les interactions croisées des chercheurs, des acteurs de terrain et des primo-arrivants permettront d’identifier les dynamiques inclusives et de proposer des modélisations applicables à différents contextes. Les histoires seront aussi partagées avec tous les membres de la communauté de recherche (étudiants, chercheurs, enseignants, auteurs etc.), mises écriture puis en voix (multilingues), en corps et en espace avec des professionnels de la scène. Nous travaillerons avec le Théatre de l’imprévu porté par la Région Centre-Val de Loire et subventionné par la Ville d’Orléans et le Département du Loiret. Cette compagnie qui collabore avec l’association Mémoires Plurielles a déjà une expérience d’écriture et de production à partir de rencontres avec des migrants. L’ensemble deviendra un spectacle multilingue sur l’hospitalité[1] qui fera intervenir le public le plus divers possible. Il ne sera pas sous-titré pour échapper à la violence de la traduction (Samoyault, 2020) et prendra en compte une polyglossie grandissante. Ce spectacle proposera un nouveau degré de dialogue en permettant à des partenaires nationaux (Futur au Présent et Paris d’Exil[2]) et internationaux (chercheurs et artistes) de mettre en avant le rôle de la pratique artistique comme vision distanciée, très différente de la communication médiatique marquée par l’immédiateté. Les chercheurs d’autres universités, associés aux travaux de REMELICE et ICD sur les migrations, seront invités à participer à la Summer school qui conclura le projet. Ils réagiront et d’élargiront le propos avec de nouvelles propositions sur la mise en perspective et la symbolisation dont nous avons besoin pour faire évoluer les regards sur les drames culturels et identitaires qui marquent notre actualité. Etat de l’art Ce projet pluridisciplinaire aborde la migration comme mobilité, affranchie de l’approche sociologique commune. Il interroge les antagonismes et les complicités entre les populations et les cultures, mais aussi entre plusieurs champs de recherche en sciences humaines. La littérature migrante et les biographies d’artistes s’écarte des discours médiatiques. Elle s’est développée avec l’augmentation exponentielle du nombre d’œuvres réalisées par des migrants et/ou sur des migrants avec l’intensification des flux migratoires. Les travaux des chercheurs de Remelice et de l’ICD prendront position par rapport à la notion de littérature de l’exil et d’incarnation (politiques, affectives, performatives, matérielles, visuelles et spatiales) des mobilités humaines transfrontalières. Ils montreront comment les productions récentes s’écartent des représentations des années 90-2000 et de celles des artistes de deuxième, voire troisième génération immigrée en Europe, qui se concentrent sur la différence et l’altérité, voire le déchirement identitaire (Albert, 2005) et les négociation interculturelle (Sebkhi, 1999 ; Delbart, 2010) en suivant les problématiques interstitielles et les liminalités (Provenzano, 2011). Les récits de vie (Breton 2022) se rattachent aux travaux de linguistique et de narratologie (colloque Mettre en récit, 2022), aux recherches anthropologiques sur le degré d’affirmation de l’expérience et sur les difficultés et des réussites personnelles. Ils sollicitent également la psychologie, en lien avec les traumatismes et les voies de résilience. Enfin ils s’appuient sur les analyses communicationnelles qui analysent les modalités d’enquêtes et les précautions à prendre lors des entretiens avec les migrants. Le plurilinguisme explore l’espace de circulation entre les langues leur capacité à traduire, littéralement et métaphoriquement, une expérience et une sensibilité. Le laboratoire REMELICE est structuré de fait autour des concepts de dynamique transculturelle et translinguistique, ainsi que sur l’histoire des mobilités de la modernité (16è-21è siècles), avec une compétence particulière sur les migrations partant du Sud global pour aller vers le Nord global, ainsi que sur le paradigme des « nouvelles mobilités » (Sheller et Urry, 2006). L’art based research (ABR) est un protocole initié par Eliott Eisner (1981) et Shawn McNiff (1998). C’est une modalité de recherche « avec l’art » qui est particulièrement adaptée lorsque la communication est difficile ou, pour reprendre la définition de Greenwood (2012), pour obtenir des informations sur des expériences et des phénomènes presque impossibles à décrire avec des mots : elle se concentre sur les non-dits et les expériences corporelles et sensibles. C’est un moyen privilégié pour comprendre la complexité des phénomènes sociaux » (Lincoln, Guba, 1985). C’est une modalité de recherche encore marginale en sciences sociales (Pentassuglia, 2017), une « pensée novatrice » (Schröder, 2020) qui permet au chercheur de visualiser le quotidien de ceux qui se sentent foncièrement disjoints ou marqué par cette « super-diversité » qui, selon Vertovec (2007), émerge des interactions complexes entre l’ethnicité, la religion, les langues et les traditions associées aux valeurs et aux pratiques culturelles d’un milieu social donné. |
[1] Une bibliographie indicative de textes sera préparée. Elle inclura des textes littéraires et théoriques et des retours experiences (Yana Meerzon, Performing Exile, Performing Self: Drama, Theatre, Film, 2012 / Silvija Jestrovic, Performance, Exile and ‘America’, 2009)
[2] Futur au présent et Paris d’exil sont deux associations qui collaborent de manière ponctuelle au projet MIGRACT (journée d’étude à Tours en mai 2022 et atelier coordonné par REMELICE et ERCAE dans le cadre du réseau international et interdisciplinaire « Recherche avec » qui s’est déroulé en mai 2023 à Chaingy).